mardi 18 septembre 2012

The Newsroom: bilan de la 1ère saison



Trois semaines après la fin de sa diffusion, je suis enfin prêt à dresser mon bilan de la 1ère saison de The Newsroom, aka une des séries les plus attendues de l’année pour le fan d’Aaron Sorkin que je suis (pour ceux qui ne l’avaient pas encore compris, référez-vous aux articles précédents comme celui-ci, celui-là ou encore celui-ci). La dernière fois que j’ai mentionné cette série, je n’avais vu que le pilote qui m’avait furieusement emballé. J’étais même convaincu d’avoir trouvé la nouvelle perle qui me comblerait le vide laissé par A la Maison Blanche. 10 épisodes plus tard, j’ai un peu pondéré mon avis.

Le pour :
Dans la même lignée que le pilote, la série brille naturellement pour ses dialogues. Une fois de plus, Sorkin ne démérite pas et propose des joutes verbales ciselées au mot prêt. Absolument pas réalistes tant la répartie des personnages est acérée et leur culture infinie, ces échanges ultra écrits n’en restent pas moins jouissifs. The Newsroom métamorphosent les longues tirades en scènes d’actions et les conversations en match de boxe où celui qui a le dernier mot aura vaincu son adversaire. Sur ce point, les promesses du pilote son tenues.

Autre élément annoncé dans le premier épisode et parfaitement maitrisé sur toute la durée de la saison : le traitement de faits réels situés entre mars 2010 et aout 2011. Le Tea party, le désastre écologique du golfe du Mexique, la mort de Ben Laden (excellent épisode), le printemps arabe ou encore la catastrophe de Fukushima servent de toiles de fond à la série. Utiliser des évènements  bien connus du grand public permet de jouer avec celui-ci. D’une part le téléspectateur a un coup d’avance sur les héros et peut donc se désintéresser de l’évènement en lui-même pour se focaliser sur la façon dont l’information est gérée à chaud par les personnages. D’autre part, les scénaristes parviennent volontairement ou non à donner une résonance et une actualité à des faits parfois vieux de deux ans (ex : l’épisode traitant de la fusillade de Tucson ayant failli causer la mort d’une députée fut diffusé quelques jours avant la tuerie d’Aurora ; les débats sur les primaires républicaines de 2011 trouvent un écho intéressant pendant la campagne officielle). Sorkin peut enfin s’exprimer sur l’actualité plus frontalement que ce qui lui était possible de faire dans A la Maison Blanche.

L’une des dernières grandes réussites de la série vient de sa réflexion sur la liberté de la presse et les obligations que celle-ci a vis-à-vis de son public. Malheureusement un peu tardivement dans la saison, les personnages se retrouvent imbriqués dans une affaire rappelant étrangement le scandale de News of the World, le tabloïd de Rupert Murdoch. Le poids de l’audience et la course à l’audimat viennent alors s’entrechoquer avec des problèmes de déontologies journalistiques annoncés dés le premier épisode. En ça aussi, les promesses du pilote sont tenues.

Enfin, il faut bien admettre que la série est globalement assez drôle, surtout dans la façon qu’elle a d’utiliser les ruptures de tons. Certains personnages s’enflamment souvent dans des discours passionnés et passionnants, immédiatement désamorcés par une vanne ou un commentaire désabusé d’un collègue. Je pense notamment au speech ultra motivé de MacKenzie pendant le black-out de l’épisode 9.



Le contre :
Autant Sorkin est très fort pour parler de politique et de journalisme, autant les histoires de cœur, c’est nettement moins son truc. Et s’il avait réussi à éviter cet écueil dans A la Maison Blanche, il se prend les pieds dans le tapis avec The Newsroom. Il sort les grosses ficelles (à ce niveau-là, on parle plutôt de câbles) pour traiter des deux romances de la série, amorcées dès le pilote: d’un côté, le passif improbable de Will et MacKenzie et de l’autre le triangle amoureux peu crédible de Jim, Maggie et Don (auquel est maladroitement associée une tiers personne en cours de saison). Globalement, on se fout de leurs problèmes d’amour, ce qui est ennuyeux puisqu’ils occupent une bonne partie des épisodes. C’est dire si la partie restante consacrée au journalisme est bonne : elle nous fait oublier les facilités des embrouilles amoureuses.

Conséquence directe de ces histoires de cœur ratées, certains personnages s’en trouvent largement affaiblis. Maggie passe pour une gourdasse émotive, ce qui ne correspond pas du tout au poste qu’elle occupe. MacKenzie (pourtant interprétée par la séduisante Emily Mortimer) apparait régulièrement hystérique, incapable de gérer de front sa vie perso et sa vie professionnelle. Décrédibiliser ses deux personnages féminins risquent de nuire à la série, à terme. D’autant plus après les rumeurs qui accusent Sorkin de misogynie. 

Bien ancrée dans le réel, la série avance pourtant rapidement. En 10 épisodes, près d’un an et demi s’écoule. Si cette accélération du temps est intéressante pour le nombre d’évènements réels traités, elle handicape un peu le récit général de la série. Tout évolue trop vite et les ellipses d’un mois ou plus entre chaque épisode finissent par rendre l’intrigue moins filaire. Je m’explique. Dans le pilote, on nous annonçait que l’enjeu des personnages allait être de monter un journal télévisé différent, moins consensuel et plus engagé. Mais dans l’épisode 2, quelques mois plus tard, cet enjeu n’est plus à l’ordre du jour : l’équipe de journalistes a visiblement rempli sa mission, avec succès, qui plus est. Difficile donc de suivre une véritable progression dans la narration globale de la série. Il n’en reste pas moins que, traité séparément, chaque épisode reste passionnant pour les questions qu’ilp ose et les actualités qu’il donne à (re)voir.

Dernier point un peu décevant de la série, son côté démocrate. Très personnellement, je suis plutôt favorable à ce parti. Mais la série avait justement promis dans son pilote de ne pas s’engager, de révéler des points de vue opposés et de donner la parole à chacun. Force est de constater que Sorkin a bien du mal à prendre la défense des républicains. Son personnage principal est pourtant soi-disant membre du parti. Mouais… à part le dire haut et fort, il n’y a pas grand-chose dans son discours qui va dans ce sens. C’est même plutôt l’inverse. Will ne manque pas une occasion de taper sur le parti des éléphants (rien à voir avec le PS). Bon, pour être honnête, c’est un peu plus subtil : Will tape sur le tea party et Sarah Palin qui représentent l’extrême droite de ce parti conservateur et qui, il faut bien le dire, monopolise un peu toute l’attention des médias outre-Atlantique. M’enfin, quand même, pour la beauté du débat, il aurait été intéressant de s’attaquer aux deux familles politiques, comme ce que le pilote annonçait.


En conclusion, je dirais que The Newsroom n’est pas la série évènement attendue mais n’en reste pas moins une excellente preuve (s’il en fallait une) du véritable talent d’Aaron Sorkin : moins à l’aise sur les storylines personnelles des personnages, le scénariste devient réellement passionnant lorsqu’il traite de sujet de société, politiques, culturels ou religieux. Le traitement de l’info par les médias et la responsabilité qui lie ceux-ci à leur public sont des sujets suffisamment riches pour occuper une saison de 10 épisodes. J’aurais aimé un peu plus de culot dans les débats proposés ; tant pis, la série remplit déjà pas mal les promesses de son pilote en nous proposant constamment de réfléchir sur de nombreuses polémiques tout en se permettant de nous faire rire franchement. Globalement, The Newsroom va me manquer : et ça, c’est plutôt bon signe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire