vendredi 21 décembre 2012

Les Revenants: si mortel qu'on le dit?



Le matraquage a commencé très tôt cette année pour la nouvelle création originale de Canal+, Les Revenants. Depuis la rentrée, on entend parler de plus en plus régulièrement de cette série, qu’on annonçait alors déjà comme LA série française capable de rivaliser avec les plus grandes séries américaines. Et puis la diffusion a commencé, sous les meilleures auspices journalistiques : les critiques sont dithyrambiques, tout le monde ne parle que de ça ; pas de doute, c’est un hit. Les audiences viennent confirmer ce buzz puisque Les Revenants enregistrent les meilleurs scores pour une série originale française sur la chaine câblée. Là où les précédents hits comme Braquo ou Pigalle la nuit avaient attiré en moyenne 1,2 million de téléspectateurs, Les Revenants en fidélisent 1,4 sur la quasi-totalité de la saison (courte il est vrai, puisqu’elle ne compte que huit épisodes). Je dois bien reconnaitre que, visiblement, la série plait. Et je me demande un peu pourquoi. Non pas que je n’ai pas aimé (au contraire), mais plutôt parce que je suis incapable de dire ce qui m’a fait revenir chaque semaine. Je trouve certains défauts aux Revenants et pourtant, j’ai comme l’impression qu’ils vont me manquer. Bizarre.



Un contenu parfois inégal… 
J’ai beau avoir dit du mal de The Walking Dead il y a quelques semaines, cette nouvelle histoire de zombies m’a pas mal intrigué. Pensez-donc, des morts-vivants qui n’ont pas la gueule décomposée et qui sont même capables d’aligner deux mots, c’est une révolution. En fait, ces créatures-là ressemblent plus à des fantômes en chair et en os qu’à des zombies tels que la télé et le ciné les représentent habituellement. Et c’est cette idée (reprise au film Les Revenants, de Robin Campillo) qui m’a plu à l’origine : et si les morts revenaient pour autre chose que pour nous bouffer ? Et si pour une raison inconnue, ils ressuscitaient et rêvaient de reprendre la vie qu’ils avaient avant ? Saurions-nous les accepter ? Pourrait-on faire marche arrière dans notre processus de deuil ? C’est ça qui m’intriguait dans ce pitch et c’est de ça que promettaient de parler les Revenants

Sur le papier en tout cas. Dans les faits, la promesse n’est qu’à moitié respectée. Ou plutôt elle est amorcée dans les premiers épisodes mais lentement, longuement. Il faut dire que le programme est chargé : chaque personnage revenu de l’au-delà (5 au début de la saison) se doit de réintégrer sa famille (pour certains la tâche est compliquée, vu l’ancienneté de leur décès), de comprendre qu’ils sont morts (ils ignorent tout de ce qui leur ait arrivé) et de renouer des contacts à peu près normaux avec leurs proches. Tout ça prend du temps. Un peu trop d’ailleurs. 
Pour le téléspectateur qui a une longueur d’avance sur les protagonistes, c’est parfois un peu longuet d’attendre qu’un personnage comprenne qu’il n’est plus tout à fait normal ou qu’un autre réalise qu’il n’hallucine pas en voyant revenir un être aimé. Dans le lot, certaines réactions surprennent (je pense à Adèle, persuadée d’avoir des visions et à Julie, pas si dérangée que ça par ce gamin qui sort de nulle part), d’autres sont beaucoup plus justes (les réactions diamétralement opposées de Claire et de Lena face au retour de Camille sont bien trouvées), d’autres enfin tardent trop à aboutir (Thomas, pourtant gendarme, met trois plombes à comprendre que Simon est bel et bien là). Bref, l’exposition de la série frôle parfois l’ennui, sans jamais l’atteindre complètement. Mais après tout, pourquoi pas : l’ambiance est clairement là alors on excuse ce rythme un peu lent des premiers épisodes.


Malheureusement, par la suite, si les choses s’accélèrent (un brin), elles continuent de ne pas répondre totalement aux thématiques annoncées, ou du moins à celles que j'attendais. Très vite, les mystères et les phénomènes paranormaux se multiplient, se diversifient et nous éloignent fatalement des questions relationnelles que le retour des morts cause à l’entourage des revenants. On a parfois du mal à rester proches de nos personnages quand les facultés bizarres des uns et les étranges blessures des autres prennent le pas sur leurs problématiques humaines et familiales, bien plus intéressantes. Si je voulais forcer le trait, je dirais qu’on passe un certain nombre d’épisodes à patiemment découvrir et connaitre les personnages, à comprendre leurs problématiques personnelles pour ensuite les oublier au profit d’une série de phénomènes inexpliqués, pas tous intéressants, pas tous exploités jusqu’au bout. 

Bref, la série, résolument humaine et originale au début, bascule dans un fantastique plus convenu à la fin (les bois sans fins, le zombie qu’on trouve dans les toilettes…). Ce n’est pas foncièrement un mal mais quand on voit le peu de réponses données à la fin de la saison, on se dit qu’on aurait préféré s’intéresser de plus près à la réintégration de nos personnages. Je ne veux pas en dire trop mais attendez-vous à laisser un sacré lot de questions  en suspens parmi toutes celles soulevées par le barrage, Victor, les chamois ou les pouvoirs de Lucy…

… servie par une forme très soignée
Alors si l’orientation que prend le récit au cours des épisodes n’était pas celle que j’attendais, pourquoi donc ai-je continué à regarder ? Pour la qualité esthétique de la série, incontestablement soignée. La photographie grise, brumeuse, froide de la série sert magnifiquement son propos. La réalisation inquiétante, lente s’accorde parfaitement à cette histoire de revenants. Les scènes particulièrement réussies qui précèdent l’entrée en scène d’un mort sont souvent montrées du point de vue d’un vivant et rendent terrifiante la moindre poignée de porte qui s’abaisse. La musique de Mogwai, moderne, sobre, inquiétante contribue à donner à la série un ton particulier.

 

Et puis il y a les acteurs. Le casting quatre étoiles de la série donnent incontestablement envie d’y revenir. A quelques très rares exceptions, ils sont tous excellents. Loin d’être débutants, Anne Consigny, Clotilde Hesme, Frédéric Pierrot ou Grégory Gadebois sont des acteurs confirmés, pas forcément habitués à des rôles pour la télévision. D’autres comme Céline Sallette, Sami Guesmi ou Guillaume Gouix sont des valeurs montantes du cinéma d’auteur. D’autres enfin sont des jolies découvertes : je pense à Pierre Perrier et Jenna Thiam. Même les enfants sont plutôt meilleurs que la plupart des gosses qu’on nous propose habituellement. C’est rare ! 
Au final, on a un casting solide, cohérent, crédible. Et ça fait toujours du bien ! Les créations Canal+ ont souvent eu à cœur de soigner son choix de comédiens. Si ça ne fait pas le succès d’une série, ça y contribue largement. Personnellement, cela m’a même permis de m’intéresser à des personnages dont l’histoire de base ne me passionnait pas ; je pense à la relation longuette de Julie et Victor sauvée par la performance de Céline Sallette ou à l’histoire un peu foireuse du serial-killer rendue touchante sur la fin par Gadebois, Gouix et Sallette (encore).


Elle est donc bien étrange cette série : sur le fond, j’ai mille choses à redire : j’ai eu du mal à rentrer dedans, je ne suis pas certain de la tournure qu’a pris le récit et la fin m’a laissé perplexe. Mais sur la forme, j’ai été totalement séduit. "Ce qui est bien, mais pas top". Si saison 2 il y a (vu les scores de la série, le contraire serait surprenant), il faudra que la trame générale se précise et que les scénaristes se décident d’une direction à donner à l’ensemble. Pour le moment, je ne suis pas entièrement convaincu par la série et j’ai du mal à comprendre les critiques qui, dans leur grande majorité, crient au génie. Moi, je dirais que cette saison est sacrément prometteuse: "devra faire ses preuves à l’examen".