vendredi 27 mars 2015

Accords et désaccords autour de Looking


Ça y est, le couperet est tombé, à mon grand désespoir: HBO ne renouvellera pas Looking pour une troisième saison mais proposera malgré tout un téléfilm qui viendra conclure les storylines laissées en suspens à la fin de la saison. Maigre consolation pour ceux qui s'étaient attachés à ces personnages.
Profitons malgré tout de l'occasion pour revenir sur les attentes et les polémiques qu'elle a suscitées avec Arthur Vauthier, auteur sur le blog Séries Chéries.
(ah et forcément, c'est un bilan, donc ça spoile parfois...)



Que penser de la saison 2 finissante ? A-t-elle rempli les attentes suscitées par la première saison ? 

Arthur : La saison 1, les lecteurs de Séries Chéries le savent, m’avait séduit vers la fin, après une longue mise en place de son propos. J’attendais une saison 2 sur les chapeaux de roue, et sur ce point je n’ai pas été déçu. Le personnage d’Agustin, insupportable dans la première saison, peinait a susciter l’empathie ; il a subi un revirement narratif complet qui le rend désormais beaucoup plus attachant. A l’inverse, le personnage de Patrick, de plus en plus insupportable, a manqué de me faire arrêter la série.

Stéphane: Ah Patrick... Personnellement, je fais partie des défenseurs de ce personnage maladroit, immature parfois même condescendant mais justement pourtant si touchant pour ces faiblesses qu'il semble ne pas voir. Enfin, je comprend qu'il énerve en effet, surtout dans cette saison 2.
Contrairement à Arthur, Looking m’a séduit dès son pilote - que je compte parmi les meilleurs de ces dernières années - et la saison 1 avait, à mon sens, tenu les promesses de ce premier épisode. La saison 2 s’inscrit dans cette continuité et vient confirmer ce que je pense : Looking est décidément une réussite. Malgré de nombreuses critiques sur son rythme, son ton, son thème, Looking est restée parfaitement fidèle à ce qu’elle était pendant sa première année : une série sensible, humaine, alliant à la perfection les problématiques générales d’une communauté à celles plus intimes de quelques personnages. Finalement les deux saisons auraient pu ne faire qu’une, ne serait-ce que par son unité de temps (il semble que moins d’un an se soit écoulé entre le pilote et le dernier épisode de la saison 2). 
L’épisode 5 de la saison 1 avait fait l’unanimité du public. Cette année, je retiendrai le season premiere (cette fête champêtre), l’épisode 5 (en écho à celui de la saison 1) et l’épisode centré autour du personnage de Doris. Le season finale est également très intéressant mais risque d’en frustrer plus d’un, en attendant le téléfilm de conclusion promis par HBO. 
Côté personnages, en plus de Doris qui prend enfin la place qu’elle méritait, il faut saluer l’arrivée d’Eddie, personnage ô combien attachant, riche et intéressant, et des thématiques qu’il amène avec lui.

Arthur : Je partage l’avis de Stéphane sur la question du rythme et du ton, de la sensibilité de la série : la réalisation et la photo, le jeu des acteurs, les dialogues drôles et naturels font de Looking une réussite. Doris et Eddie sont des atouts non négligeables, d’autant que ces personnages secondaires sont véritablement originaux, là où les autres correspondent davantage à des stéréotypes. Le charisme de ces comédiens n’y est sans doute pas étranger. En revanche, là où nos avis diffèrent, c’est dans le traitement des problématiques générales d’une communauté vis-à-vis des problématiques intimes rencontrées par les personnages. Parce que, à mon sens, la série n’a pas réussi à se positionner vis-à-vis de ce qui est indéniablement son thème majeur - l’homosexualité - et à déterminer ce qu’elle voulait en dire.


Looking, descendante de Queer as Folk ? Quelle différence avec son aînée ? Comment se positionne-t-elle dans le paysage des séries LGBT ?

Stéphane : Pour moi, Looking n’est pas une descendante directe de QAF, mais plutôt une cousine éloignée. Comme je l’avais dit au cours de la saison 1, Looking n’est pas aussi militante que Queer as Folk. Contrairement à son aînée (qui avait dû ouvrir la voie en son temps), elle ne traite pas ou peu des problèmes d’acceptation de soi, de coming out et de la place des homos dans la société. Looking a le mérite d’être une des premières séries à parler de la communauté homosexuelle sans se limiter à ses problèmes d’acceptation dans une société majoritairement hétérosexuelle. Elle préfère focaliser son attention sur les problèmes amoureux, sexuels, amicaux et professionnels de ses personnages. Les problèmes de tout un chacun, finalement. Par rapport à d’autres séries LGBT du moment (je pense aux géniales Cucumber et Banana mais aussi à Glee ou Please like me), Looking fait le choix du profil bas : pas d’extravagance dans ses personnages, pas de héros larger than life, pas d’effets de réalisation outranciers. Non, Looking choisit la petite porte et ça fait du bien.

Arthur : Et pourtant, Looking distille des idées militantes tout au long de cette saison 2. Qu’il s’agisse du regard qu’elle porte sur la séroposivité d’Eddie et le traitement préventif, ou même du regard que Patrick porte sur lui-même, sur sa propre homosexualité, la série semble consciente des problématiques contemporaines des homosexuels.

Stéphane: C’est vrai, mais je ne dirais pas que les idées présentées dans cette saison 2 sont militantes car les scénaristes de Looking se gardent bien de donner leur avis. Elle lance des débats, des discussions mais laisse les réponses ouvertes pour que chacun puisse se faire sa propre opinion. Et encore une fois on sort de la storyline habituelle attribuée aux homosexuels dans les séries : le coming-out.

Arthur : Certes, il ne s’agit plus de coming-out, puisque Looking s’est donné pour cadre une enclave du monde où les hétérosexuels n’existent pas, et où tous les événements sont déclinés en version gay (la rave party gay, le match de rugby gay, le salon du jeu vidéo gay, l’immeuble où l’on ne rencontre que des voisins gays qui organisent des soirées où tout le monde est gay, etc. : même quand ils sortent de San Francisco pour retrouver leur ville d’origine, Dom et Doris finissent dans un bar gay…). En replaçant toujours l’homosexualité au centre de son propos, la série finit par nous présenter des personnages qui, s’ils ne sont plus en lutte pour être acceptés par la société dans leur différence, ne se définissent plus eux-mêmes qu’à travers leur orientation sexuelle. L’indétermination de la série que je pointais plus haut se retrouve ici : à la fois Looking se veut héritière contemporaine des séries qui ont ouvert la voie, en plus naturaliste et plus amère, et à la fois elle s’est coupée du monde réel, proposant un univers fantasmatique où tout le monde est homosexuel et où subsistent seules les problématiques sentimentales de ses protagonistes. En résumé, Looking réalise l’expérience sociologique d’un monde qui n’existe pas, et reste à cheval entre une observation de mœurs et les tribulations amoureuses d’un feuilleton lambda. Il eut été plus judicieux de choisir entre les deux.

Stéphane : Oui, il faut bien admettre que les personnages de Looking vivent entre eux dans un monde exclusivement homo (le coup des voisins du 5ème étage était un peu énorme en effet !) mais après tout, c’est une réalité pour de nombreux homos qui ne sortent que dans des endroits où ils se sentent libres d’être eux-mêmes avec des gens qui leur ressemblent.


Looking est-elle représentative de l’homosexualité d’aujourd’hui ?

Stéphane : Quelle question étrange. Et pourtant elle revient sans cesse quand on parle de Looking. Je ne comprends pas pourquoi la série se devrait de représenter à elle seule l’homosexualité d’aujourd’hui.

Arthur : Parce qu’il s’agit d’une série sur une bande de potes gays - ce qui ne court pas les rues - et parce qu'elle choisit des protagonistes issus d'une minorité (5, 10% de la population ?), la question de le représentativité est presque induite.

Stéphane : Soit, c’est très juste. Mais Looking ne s’est jamais vantée de représenter l’intégralité des homosexuels de cette planète. Les auteurs ont toujours proclamé vouloir présenter UNE vision réaliste du monde gay, et pas le monde gay dans sa globalité. Et ils ont raison. Alors certes, les garçons de Looking sont tous blancs, riches, masculins et cisgenres. Mais même si la série ne montre pas de folles et préfère présenter des garçons peu ou pas efféminés, ça n’est pas pour autant qu’elle est réductrice ou excluante (la saison 2 montre d’ailleurs beaucoup de tendresse à l’égard de personnages trans dans les rares moments où on les voit). Je pense juste qu’elle a le défaut d’être l’une des pionnières sur ce thème et qu’on attend d’elle qu’elle comble le retard de ces décennies de séries hétérocentrées en abordant tous les sujets. Ce qu’elle ne peut évidemment pas faire.

Arthur : Pour ma part, je ne trouve pas judicieux de proposer une série homocentrée pour combler le retard de décennies de séries hétérocentrées. J’aurais préféré que Doris ne soit pas l’hétéro de service mais une femme à part entière, et qu’un épisode centré sur elle et sur son retour dans sa ville d’origine puisse nous couper, au moins le temps d’un épisode, de toutes les questions sur l’homosexualité. Mais non. Il fallait montrer un bar gay de province. Il fallait que Dom annonce son homosexualité à son père mort et s’époumone dans un cimetière en criant “JE SUIS GAY”. C’est dommage. De la même façon, quand Patrick et Kevin montent ensemble un nouveau jeu vidéo, pourquoi faut-il que les stéréotypes gays en soit le sujet et le principe ? Pourquoi le présenter à un salon gay ?

Stéphane : Je trouve pourtant que Looking dresse un portrait très réaliste et très moderne de ce groupe spécifique de jeunes homosexuels de San Fransisco. Leurs références, leurs codes, leurs habitudes sont ceux de nombreux gays d’aujourd’hui. En ce point, c’est très rafraîchissant. Et je crois que beaucoup pourraient se reconnaître dans leur comportements amoureux et sexuels, et ce, qu’on soit hétéro ou homo, garçon ou fille.

Arthur : Il aurait fallu que la série détermine ce qu’elle voulait dire : est-elle une “série gay”, dont les personnages sont gays et n’évoluent que dans leur propre communauté ? ou bien est-elle une série sur des mecs d’aujourd’hui, un peu paumés face aux représentations amoureuses de leurs parents, de la société, leur accomplissement personnel, qui ont des emmerdes sentimentales et amicales, ou professionnelles, et à travers lesquels, en effet, n’importe qui pourrait se retrouver, garçon ou fille, homo ou hétéro ?


Looking est-elle ennuyeuse ?

Arthur : C’est en effet une critique qui revient souvent, mais il ne faut pas s’y fier. Son rythme lent et son naturalisme permettent de coller aux personnages et de les rendre très réels.

Stéphane : Looking, c’est un peu la série anti-drama. Elle ne cherche pas à faire dans le spectaculaire. Mais ne confondons pas le rythme et l’intérêt : qui dit lent ne dit pas ennuyeux.

Arthur : J’aurais cependant préféré qu’ils passent moins de temps à déambuler dans San Francisco : là encore, je trouve qu’il y a un fossé entre l’idée de recréer des scènes du quotidien, un langage et des attitudes authentiques, et celle d’un monde idéal où les personnages n’ont rien d’autres à faire que de flâner ensemble pour papoter, comme si la vie n’était faite que de temps libre.

Stéphane : Moi je les trouve quand même bien occupés ces personnages entre les matchs de rugby, les fêtes et les déménagements... Ils sont débordés, ces garçons !


lundi 23 mars 2015

Bye bye, Glee you soon!



Après 6 années d’existence, Glee a entonné son dernier rappel jeudi soir dernier dans ce qu’il convient d’appeler une indifférence générale. Bien loin de l’immense succès de ses premières saisons, la série musicale avait perdu ses téléspectateurs au fil des années. Il faut admettre que la qualité n’était plus vraiment au rendez-vous, hormis quelques sursauts scénaristiques et musicaux de plus en plus rares. Malgré tout, je suis resté fidèle à cette série et je suis content d’avoir été jusqu’au bout de ces six ans de reprises plus ou moins heureuses. Glee a été un véritable guilty pleasure assumé et je le dis : elle va me manquer.  Pour au moins 5 raisons :

Rachel, Mercedes, Santana, Blaine, Unique, Mike, Brittany, Jake : les performers.
La première caractéristique de Glee est évidemment d’être une comédie musicale. Ça chante et ça danse donc beaucoup dans les couloirs du lycée McKinley. Evidemment, toutes les chansons sont loin d’être passionnantes, toutes les chorégraphies n’étaient pas grandioses et tous les comédiens ne se valent pas. Mais parmi eux, il faut quand même reconnaitre que certains en avait sous le pied. Qu’on aime ou pas la voix de Lea Michele ou celle de Amber Riley, force est de constater qu’elles envoyaient du lourd. Et on ne peut pas nier les qualités de danseurs de Heather Morris, Harry Shum Jr. ou de Jacob Artist : un régal pour les yeux.
Je ne suis pas le mec le plus exigeant musicalement, certes. Mais j’assume parfaitement avoir aimé et écouté un certain nombre de reprises de la série et même avoir découvert bon nombre d’artistes grace à Glee. Et je suis très admiratif du rythme de production de la série, qui ajoutait à la difficulté habituelle de tourner 24 épisodes en une saison les contraintes imposées par les enregistrements et les répétitions des séquences musicales.

Sue, Santana, Becky : les bitchs
Une autre des caractéristiques principales de Glee était son second degré distillé au compte-goutte, au fil des épisodes. Parfois, la série se prenait très au sérieux (et c’était regrettable) mais souvent les scénaristes prenaient un malin plaisir à critiquer ouvertement les points faibles des scénarios ou des personnages. Comme pour éviter qu’on ne le fasse à leur place. Et pour cela, rien de tel que les diatribes assassines de Sue, Santana et Becky. Ces trois reines de bitchage remettaient chacun à sa place, s’attaquant aux défauts des personnages, aux incohérences des scénarios (et elles étaient nombreuses) et même au physique des comédiens et ce, avec une répartie parfaite mais politiquement totalement incorrect : jubilatoire.

Kurt, Blaine, Santana, Brittany, Unique, coach Beist : les personnages LGBT
Glee est une série de Ryan Murphy, showrunner ouvertement gay qui a toujours eu à cœur de défendre la cause homosexuelle dans chacun de ses projets et dans Glee plus que nulle part ailleurs. Le sujet de l’homosexualité compte de toute évidence parmi les thèmes les plus abordés par la série. En multipliant les personnages gays, Murphy leur a donné la parole de façon juste et respectueuse. Sans les ostraciser ni les traiter différemment des autres personnages, la série les a toujours mis au cœur des intrigues sur une chaine pourtant peu réputée pour son ouverture d’esprit. Je suis persuadé que Glee a contribué à faire évoluer les mentalités comme peu l’ont fait sur les networks nationaux avant elle.  
Très personnellement, je dois beaucoup à Glee ; elle est arrivée à un moment crucial de ma vie, elle m’a aidé à passer une étape charnière pas évidente au cours de laquelle tous les soutiens sont bons à prendre. Elle m’a fait grandir (merci Santana) et je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas. Pour cela, elle aura à jamais une place particulière dans mon panthéon des séries.

Quinn, Blaine, Emma : la caution cute.
Sans être forcément les plus intéressants et les plus riches de la série, ces trois personnages étaient un peu mes chouchous, pour des raisons qui m’échappent quelque fois. Sans doute était-ce à cause de la beauté et de l’élégance de Quinn, du sourire, des nœuds papillon et des pantalons de Blaine ou encore des grands yeux et des manies d’Emma. Ou bien tout simplement était-ce le travail des trois comédiens qui ont réussi à me charmer, chacun à leur manière.

Brittany : un concept à elle toute seule.
Difficile d’expliquer le personnage de Brittany à ceux qui ne la connaissent pas mais elle est sans conteste le personnage le plus drôle de la série. Jamais là où on l’attend, elle repousse toujours un peu plus loin les limites de l’absurde. Loin d’être idiote comme on pourrait le penser à première vue, Brittany vit dans son monde que les autres ne peuvent pas comprendre. Elle parle à son chat, elle croit aux licornes et au Père Noël et elle fait des vidéos absolument mythiques autour de fondues savoyardes. Personnage résolument optimisme et positif, elle aura été le rayon de soleil de la série (en plus d’en être sa meilleure danseuse comme dit précédemment) !
Vive Brittany S. Pierce !


Glee est loin, très loin d’être une série parfaite mais elle aura été une série touchante, amusante, légère. Certes, j’ai mis du temps à la cerner et j’ai été perturbé jusqu’au bout par ses changements de ton, mais j’ai toujours pris du plaisir à regarder ce petit bonbon qui au fond, avait parfaitement conscience de ses limites. Glee me manquera, c’est certain.

PS : toi aussi, note les personnages qui reviennent le plus souvent dans ce post et tu pourras établir mon trio gagnant. ;)

jeudi 19 mars 2015

Empire, le soap qui pique les yeux



Le monde des séries l’attendait, il n’a pas été déçu. Le chiffre des audiences de l’épisode final de la première saison d’Empire vient de tomber et comme prévu, c’est un énorme carton pour la Fox. 17,5 millions de téléspectateurs américains ont regardé le dernier épisode de ce qui est devenu en moins de quelques mois un énorme phénomène outre-Atlantique. Si j’en crois les tweets de mon ami Pierre (que vous devriez suivre ici), c’est du jamais vu sur un network national depuis 2009. Alors comme je suis quelqu’un de consciencieux qui a à cœur de rester au cœur de l’info sérielle, j’ai eu tôt fait de rattraper mon retard et d’avaler en quelques jours les 12 épisodes qui constituent la saison 1 d’Empire. Bilan ? Catastrophique. Je vais probablement me faire des ennemis mais tant pis, j’assume : je ne comprends pas du tout l’hystérie qui entoure cette série. Pour moi, c’est un très mauvais soap qui ne mérite pas du tout le succès qu’il remporte.

Empire raconte l’histoire de la famille Lyon qui contrôle l’une des plus grandes maisons de disques dans l’industrie de la musique R’n’B et Hip Hop. Le père, Lucious, fondateur et dirigeant de la société, est un rappeur devenu une véritable icône dans son domaine. Son ex-femme, Cookie, est une ancienne détenue qui sort tout juste de prison au moment du pilote, après y avoir purgé une peine de 17 ans pour trafic de drogue, à la place de sa star de mari. Ensemble ils ont eu trois garçons : Andre, Jamal et Akheem. Alors lorsque Lucious apprend qu’il est atteint d’une sclérose en plaque, il décide de mettre ses trois fils en compétition pour savoir lequel prendra un jour sa place à la tête d’Empire, nom donné (modestement) à la maison de disque familiale.



Empire n’est ni plus ni moins qu’un simple soap dans la stricte lignée de Dallas, Dynastie ou Melrose Place : on y suit les nombreuses péripéties aussi improbables que grotesques de cette riche famille qui s’écharpe pour obtenir le pouvoir. La série a à cœur de respecter les codes du genre et même de les exploiter jusqu’à l’os en accumulant tous les ressorts dramatiques imaginables, devenus, à la longue, d’insupportables clichés. Lucious est mourant (mais en fait pas vraiment), André est bipolaire, Jamal est gay face à un père homophobe, l’oncle Vernon est un ancien drug-addict, le jeune Akheem couche avec une femme de l’âge de sa mère, son ex-copine est en fait lesbienne… Et je pourrais continuer ainsi pendant longtemps.
Pris séparément, chacun de ses thèmes pourrait donner de jolis arcs narratifs, mais l’accumulation des histoires et le mépris avec lequel elles sont traitées rend le tout totalement indigeste et incohérent. Tromperies, trahisons, disputes, meurtres… Tout va beaucoup trop vite, les scénarios sont bâclés, les storylines sont évacuées en quelques épisodes ; les liens entre les personnages se font et se défont à la vitesse de la lumière au point qu’il est impossible d’éprouver la moindre empathie pour les personnages, qui changent d’humeur comme de chemises (à strass). Très rapidement, on lâche l’affaire et on regarde tout ça avec désintérêt.

Alors on va m’accuser de prendre la série trop au sérieux. Les gens qui la regardent (et qui l’aiment) me conseillent de l’aborder au second degré, tel un bon vieux guilty pleasure des familles. Sauf qu’Empire se prend au sérieux. Je ne suis vraiment pas sûr qu’il y ait une réelle volonté d’ironiser sur le genre lourdingue qu’est le soap. Je crois que les producteurs d’Empire sont très convaincus de ce qu’ils racontent et qu’ils le font avec un premier degré et une sincérité qu’il faut leur reconnaitre.
J’en veux pour preuve la direction artistique ultra bling-bling jamais ironisée, jamais remise en doute et pourtant effroyable de vulgarité et de mauvais goût. "Mais c’est fait exprès pour qu’on en rigole", me dira-t-on. Pas sûr. C’est exactement comme  la qualité ignoble des chansons auto-tunées au maximum (et dire qu’on se moquait de Glee et de la médiocrité vocale de ses comédiens…) qu’on nous demande de prendre pour des tubes magistraux : tout ça est une vaste supercherie faite de carton-pâte et de boites à rythme dégueulasses.

Le seul élément qui mérite de regarder la série et qui pourrait presque suffire à la sauver (j’ai bien dit ‘presque’), c’est la présence de Taraji P. Henson au générique de la série. Celle qui fut nommé aux Oscars pour son rôle dans Benjamin Button tient ici le rôle de Cookie. L’actrice se démène pour donner vie à cette mère hystérique, charismatique et manipulatrice. Elle crie, elle toise, elle rit, elle se bagarre… Elle n’arrête pas une seconde. Et pour le coup, c’est en effet jouissif. Son look, tout en imprimés fourrure et en faux ongles, est tout aussi outrancier que le reste de la série. Mais avec le jeu excessif et assumé d’Henson, ça passe. Elle en vient à éclipser totalement ses partenaires, à commencer par Terrence Howard que je n’ai pas trouvé à la hauteur. Cookie rocks !
Hormis elle, les comédiens ne sont globalement pas terribles, voire carrément têtes à claques. Même les nombreuses guests stars qui défilent ont un intérêt, disons-le, limité et ne relèvent pas le niveau : Naomi Campbell, Jennifer Hudson, Courteney Love ou Snoop Dog sont plus là pour assurer la promo de la série qu’autre chose.


J’arrête là parce que je crois qu’on a compris mon point de vue mais en bref, je trouve Empire très mauvais. Là où j’espérais que ce soap viendrait bousculer les règles du genre, il exploite au contraire des recettes 1 000 fois éculées, sans même prendre le soin de les détourner ou de les améliorer. Ceux qui aiment ce genre un peu particulier (et visiblement, ils sont nombreux aux USA) devraient largement y trouver leur compte. Et je respecte cet engouement. Mais qu’on ne vienne plus me dire que How to get Away with Murder est stupide et mal écris.