jeudi 9 juillet 2015

Sense8: sensible et sensuel



Voilà plus d’un mois qu’il ne se passe rien sur ce blog. Et pour cause, j’ai profité du mois de Juin pour terminer un certain nombre de séries, et binge-watcher les nouvelles livraisons de Netflix. En plus de la troisième saison d’Orange is the New Black (moins intense que les deux premières mais toujours aussi qualitative), je me suis aussi envoyé la première saison de la série évènement des Wachowski : Sense8. Tout le monde en a beaucoup parlé, en mal comme en bien (à commencer par Romain Burrel ici dans Têtu ; ou par les copains du DailyMars ici et ) et il fallait bien que je me fasse ma propre opinion. D’abord parce qu’il ne faut pas mourir idiot et encore moins avoir l’air d’un inculte sur Twitter. Et surtout parce que je suis un fan des Wachoswki et plus précisément du chef d’œuvre qu’est Cloud Atlas. Après avoir donc vu les 12 épisodes de cette première saison, je peux dores et déjà dire que j’ai adoré Sense8 et que j’y reviendrai l’année prochaine. Et pourtant, il y a beaucoup de choses qui ne m’ont pas plu dans cette série. Alors pourquoi, malgré ses défauts, Sense8 a eu un tel impact ?


Sense8 raconte le destin de huit personnes, réparties dans le monde entier, qui ne se connaissent pas entre elles, mais qui entrent en contact les unes avec les autres par un moyen qu’elles ne s’expliquent pas. Ces huit étrangers s’aperçoivent petit à petit qu’en plus d’avoir le don de pouvoir communiquer par télépathie, ils peuvent également interagir avec l’environnement des autres sensitifs (sensate en anglais, nom donné aux personnes ayant reçu ce don particulier).



Le contre (mais pas trop) :
Ce pitch de base très alléchant, qu’on pourrait résumer par la réplique "tu n’es plus un, tu es huit" fait clairement envie et promet du grand spectacle pour qui a vu et aimé Cloud Atlas. Mais la série prend pourtant son temps pour mettre les choses en place et c’est un peu là que le bât blesse (un chouilla). Passés les deux premiers épisodes d’exposition des (nombreux) personnages et des possibilités qu’offre leur faculté, la série traine un peu en longueur pendant plusieurs épisodes. Bizarrement, et c’est le génie des Wachowski, on ne s’ennuie jamais totalement mais on se dit régulièrement que les choses pourraient peut-être avancer un peu plus vite. Au fond, les personnages (et le public avec eux) ne cherchent pas tellement à en savoir plus sur le pourquoi du comment et ne semblent pas vraiment perturbés par ces nouvelles capacités. Perso, si je pouvais communiquer avec des inconnus, ma vie ordinaire en prendrait un sacré coup. Au contraire, les huit sensitifs continuent de vivre leur vie, presque chacun dans leur coin. Et le spectateur de trépigner devant son écran en attendant les connexions télépathiques.

Or justement, les storylines propres à chacun des personnages ne sont pas toutes très intéressantes, loin s’en faut. En dehors des histoires de Will, Nomi et Riley qui tournent autour du mystère des sensitifs, les histoires personnelles, très variées dans leurs sujets et dans leur ton, tiennent chacune sur une demi-page : Capheus, le Kenyan, cherche des médicaments pour sa mère malade du sida ; Sun, la Coréenne, doit démissionner de son poste pour la survie de l’entreprise de son père ; Kala, l’Indienne, hésite à se marier à un homme qu’elle n’aime pas ; Lito, le Mexicain, refuse de faire son coming-out pour préserver sa carrière d’acteur. Avec autant d’histoires en parallèle et de genres différents, les scénaristes ont sans doute voulu rester intelligibles pour préserver le spectateur. Mais voilà, parfois, on aurait aimé que les choses soient un peu plus complexes, plus intrigantes et un peu moins linéaires qu’elles n’apparaissent.
D’autant qu’au vu des thèmes abordés, on frôle souvent le cliché dans Sense8, sans jamais s’y vautrer totalement. Le sida au Kenya, les mariages arrangés en Inde, les télénovelas au Mexique, l’homosexualité à San Francisco ou  l’honneur familial en Corée : tout ressemble un peu trop à des images d’Epinal issus de l’imaginaire collectif. On pourra défendre la série (ce que je fais avec plaisir) en disant que ces clichés existent pour une raison et qu’ils présentent des problématiques réalistes dans ces parties du monde. Mais je comprendrais que ça puisse en rebuter certains.


Le pour :
Pourtant, les problèmes de rythme et d’histoires trop simplistes s’envolent immédiatement à chaque rencontre télépathique. Tout devient réellement fascinant lorsque deux des huit sensitifs se parlent. C’est le génie de la série que d’avoir réussi à ce que chacune de ces rencontres soit à ce point transcendante. Le temps s’arrête et on voudrait que chaque scène dure le plus longtemps possible, quelques soient les personnages impliqués dans ces rencontres. Toujours justifiées, ces duos nous en apprennent bien plus sur les personnages que le reste de leurs storylines personnelles. Passés les premiers moments de surprise où chacun s’assure qu’il ne délire pas, les personnages semblent profiter de ces rencontres autant que nous.

Et c’est là qu’on devine que les Wachowski sont des petits malins. Ils savent que le cœur de leur histoire ne se trouve pas dans les diverses intrigues de chacun mais bien dans ces rencontres. Alors plutôt que de les multiplier jusqu’à l’overdose, ils les distillent avec parcimonie au fil des épisodes. On n’en a jamais assez et on en veut toujours plus. Chaque session de télépathie devient un évènement. A ce titre, la réalisation et le montage de la série sont absolument époustouflants puisque chaque rencontre se fait sur deux lieux différents et entremêle de façon très naturelle, très organique des univers éloignés de plusieurs milliers de kilomètres.
Quand on sait que la série a réellement été tournée aux quatre coins du monde (et ça se voit), on ne peut qu’imaginer les plannings de tournage dantesques et le travail titanesque des scripts sur les plateaux. On n’y pense bien sûr pas une seconde car tout est si fluide, si poétique, si aérien que le téléspectateur se laisse totalement happer par ces moments de rencontre en tête à tête.
La dimension universelle de la série prend alors tout son sens. Répartis partout sur le globe, les héros échangent sur leurs cultures si différentes, leurs mondes diamétralement opposés, leurs sexualités diverses et leurs coutumes multiples. Les quasi-clichés que j’évoquais plus haut sont alors détournés pour devenir une des richesses du récit.

Mais les échanges télépathiques ne se déroulent pas qu’en duo. Il arrive que les sensitifs communiquent à trois, quatre ou plus. C’est forcément encore plus rare et donc encore plus jouissif. L’effet ressenti lors des duos est décuplé à chaque membre supplémentaire qui rejoint la conversation. Et cela donne les meilleures scènes de la série :
Des scènes d’action d’abord (les sensitifs ont un joli don pour se mettre dans des situations difficiles) au cours desquelles chacun vient mettre un talent spécifique - les arts martiaux, le piratage informatique, la conduite, la séduction ou la médecine - au service du groupe. Totalement jubilatoire.
Mais surtout des scènes plus oniriques, plus planantes comme cette séquence de chant sur What’s Up de 4 Non Blondes. Ou bien ce concert de Beethoven qui vient bouleverser les héros. Ou encore la déjà mythique scène de sexe de l’épisode 6. De mémoire de sériephile, on a rarement vu de scènes aussi érotiques. Sensuelle, charnelle, envoutante, elle a beaucoup fait parler d’elle, à raison. Loin d’être gratuite, cette scène de sexe surpasse amplement les ébats soi-disant passionnés des vampires de True Blood*.  

Un mot enfin sur le casting, international forcément. Les sourires de Capheus et Kala, la beauté de Will, la voix de Nomi, le charme de Lito, la badassitude de Sun et de Wolfgang ou la fragilité de Riley : tous sans exception dégagent quelque chose d’ultra charismatique. Si certaines scènes laissent un peu à désirer au niveau du jeu (surtout dans les premiers épisodes, au cours des storylines personnelles), les comédiens deviennent absolument magnétiques dans les scènes de connexion télépathique.



Sense8 reste pour moi une sacrée énigme. J’ai mis énormément de temps à rentrer dedans, je me suis parfois ennuyé, j’ai trouvé les histoires un peu simplistes. Et pourtant j’ai adoré. La série m’a remué, la musique (composée par le génial Johnny Klimek, à qui on devait justement la musique de Cloud Atlas) m’a emporté, les personnages m’ont touché et j’ai vraiment très envie de voir la suite de ce club des huit.

* Si la question du sexe vous intéresse et si vous ne l’avez pas encore vu, je vous recommande chaudement la dernière vidéo des Showrunners : un must-see !

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